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Qu’est-ce que nous expliquent les émeutes sur le climat social en France ? #22


Une fois n’est pas coutume, près de 18 ans après les émeutes de 2005, les banlieues se sont de nouveau embrasées en 2023, suite à la mort encore une fois d’un jeune des quartiers à l’issue d’une confrontation avec la police. Auparavant, fin octobre 2005, Zyed, 17 ans et Bouna, 15 ans, s’étaient réfugiés dans le poste électrique de Clichy-sous-Bois pour tenter de fuir la police. Fin juin 2023, désormais, c’est Nahel, 17 ans qui se fera tuer par un policier motocycliste après un refus d’obtempérer. Après avoir menti dans un premier temps en expliquant que l’ado les avait foncés dessus, une vidéo amateur a prouvé le contraire et a montré dans son intégralité la façon dont l’intervention s’est déroulée. Une énième offense émanant de la police que le peuple des banlieues n’a pas pu accepter. Il s’en est donc suivi six jours de révoltes dans lesquels les trois premiers jours étaient les plus bouillants, les trois autres n’ont été que pillages et violences gratuites. Aujourd’hui, nous allons voir ensemble ce que nous apprennent les émeutes de juin dernier après la mort de Nahel sur le climat social en France ? Voici mon analyse.

Sommaire :

I. Quel est le cœur du problème ?
II. L’auto-décrédibilisation d’un mouvement
III. Les choses que personne n’a osé dire sur les quartiers et sur la société française contemporaine


I. Quel est le cœur du problème ?

Aujourd’hui, nous nous retrouvons près de trois semaines après le début de la révolte. Bien que celle-ci ait duré moins d’une semaine, il est important de l’analyser afin de comprendre le contexte social dans lequel notre pays se situe.

A. Des personnes invisibilisées dans la société

Contrairement à beaucoup de choses qui se sont dites sur les réseaux sociaux et sur les plateaux TV, la révolte des banlieues est totalement légitime. En effet, on parle de populations invisibilisées au quotidien dans le paysage politique et médiatique français. Les personnes issues des banlieues n’ont pas de partis politiques, pas d’élus, pas de députés, pas de magistrats, pas de ministres, pas de journalistes. Rien ! Sauf des professionnels du divertissement et des sportifs qui reçoivent une pléthore d’insultes lorsqu’ils daignent parler de sujets sérieux. N’essayez pas de me trouver un contre-exemple en me sortant un des rares noms issus de cet environnement social qui a réussi, pour après me dire que lui, il a réussi à faire ceci ou cela hors du divertissement, car l’exception ne fait pas la règle.

B. Des personnes qui subissent des injustices au quotidien

Ces populations invisibilisées dans le paysage politique subissent constamment des injustices comme les discriminations à l’embauche, en raison de leur nom, adresse postale, origine ethnique ou religieuse. Le tout cumulé à une attitude très courtoise de la part des agents de police. La police plus qu’ailleurs dans le pays, agit de manière totalement décomplexée lorsqu’il s’agit de s’en prendre aux jeunes issus des quartiers. Banalisation des contrôles au faciès multiples dénoncés par des ONG comme Human Rights Watch et le « profond problème de racisme » dans la police française dénoncé par l’ONU. Face à ce système dans lequel beaucoup de jeunes n’ont pas de repères, énormément tombent dans la délinquance et plusieurs d’entre eux décrochent sur le plan scolaire.

C. L’erreur de l’extrême droite et des racistes

D’ailleurs petit message aux racistes et aux clients de l’extrême droite qui ont crié partout qu’on avait tout donné aux banlieues (RSA, chômage, CAF, Allocations Familiales) et ils ne sont pas contents.

Je rappelle que les minimas sociaux visent à subvenir à des besoins et non à enrichir des personnes. Qui est déjà sorti de la pauvreté en étant dorloté et entretenu par des fonds extérieurs ? Personne. De plus, je vous demanderais si pour vous, c’est un luxe d’être parqué dans un bâtiment de 15-20 étages localisé dans un environnement où règne une ségrégation sociale, ethnique et spatiale instaurée depuis les années 1970 ?

Les banlieues sont les zones spatiales les plus pauvres de France. Et il n’y a pas besoin d’avoir décroché un doctorat en sciences sociales pour comprendre que la pauvreté et le manque de repère engendrent la criminalité et l’insécurité. Là où, bien évidemment, des politiques d’extrême droite verront un lien avec l’immigration pour satisfaire de manière opportuniste à leur vindicte haineuse, visant à satisfaire des échéances électorales, qu’ils n’arrivent visiblement pas à satisfaire de manière assez risible depuis plusieurs années. comme quoi leur fonds de commerce n’intéresse pas les Français.

C’est pourquoi les banlieues se sont levées fin juin. Elles se sont dans un premier temps unies suite à la mort de Nahel pour protester contre ce système qui les stigmatise et qui les marginalise en raison de leur appartenance sociale et ethnique.

II. La auto-décrédibilisation d’un mouvement

À titre personnel, j’ai trouvé legit les deux premiers jours qui ont suivi la mort de Nahel. Toutefois, par la suite, les banlieues ont montré une image communicationnelle et politique très mauvaise. Leurs actions étaient surtout très préjudiciables pour la cause. 

A. De la révolte légitime à la casse pure et dure

Alors que la cause initiale était pourtant juste ; réclamer justice pour Nahel suite à une énième injustice perpétrée par la police. Une police qui malgré tout, ressort très souvent impunie et qui use de tous les moyens pour manipuler l’opinion à sa guise.

Dès le troisième soir, certains ont commencé à s’en prendre à des boutiques et à des centres commerciaux dans le but de les piller. « Prends-moi du Yop ! » ou encore « Est-ce qu’il reste encore de la lessive ? » resteront à jamais des paroles cultes de ces événements. On est alors passé d’un mouvement contestataire à celui d’une véritable insurrection incontrôlée qui n’a eu que pour unique vocation de brûler et de piller des lieux de vie et de commerce. Des braquages ont eu lieu en plein jour dans des centres commerciaux comme ceux de Rosny 2 (Seine-Saint-Denis) ou encore Créteil Soleil (Val-de-Marne), et de très nombreuses boutiques ont été vandalisées les soirs entre 22h et 2h du matin.

B. Erreur stratégique fatale : avoir laissé les petits mener un mouvement contestataire aussi profond socialement

La plupart des émeutiers étaient des personnes relativement très jeunes ! Ils avaient entre 13 et 17 ans, un âge où les adolescents n’ont pas encore de conscience politique. En effet, ils étaient extrêmement nombreux à avoir déclaré avoir agi sous l’effet de groupe pour semer le désordre parce que c’était tendance. Certains assument totalement qu’ils ne l’ont pas fait pour réclamer justice pour Nahel. En même temps, à quoi fallait-il s’attendre lorsque l’on rênes d’une révolte aussi importante à des petits frères non-soucieux ?

Sans le savoir, ces petits ont permis à l’extrême droite de renforcer et de justifier leur doctrine visant à dire que le pays va prochainement être en proie à une guerre civile. Pire encore ! Ils ont complètement annihilé un mouvement qui pouvait potentiellement aller plus loin et qui pouvait entraîner une convergence des luttes avec les Gilets Jaunes ou avec les gens qui s’étaient érigés contre la réforme des retraites. En réalité, prolétaires et banlieues, c’est le même combat contre le système. Malheureusement, la convergence des luttes semble de très loin être devenue une utopie après tout ce qui vient de se passer.

C. L’impact des médias traditionnels dans notre perception de ces événements 

D’ailleurs, cela m’emmène à aborder un point essentiel dans la manière dont les médias façonnent un mouvement médiatique. Comment l’image médiatique d’un mouvement peut-elle impacter sa viabilité ?

Les médias traditionnels ont dès le premier jour choisi leur camp en choisissant de d’abord protéger le policier puis en se mettant dans le camp de Nahel après la parution de la vidéo. Une position qu’ils vont par la suite peu à peu refouler face aux hargnes de l’extrême droite : « délinquant », « connu des services de police », « multirécidiviste », « il a failli écraser des vélos et des piétons » et aux jeunes émeutiers qui ont sacrifié le mouvement. Nous avons alors glissé en passant d’un mouvement contestataire à un mouvement utilisé par d’autres pour justifier ce qu’ils expliquaient depuis le début, confirmant alors leurs thèses qui sont que d’après eux, au sein de la société française, il y a des Français [les vrais (les Blancs)] reconnaissants et qui savent bien se tenir. Puis d’autres qui ne pourront jamais l’être, qui en plus n’aimaient pas l’ordre et n’ont rien à faire ici (ceux qui vivent dans les banlieues).

De quoi se faire totalement esquinter par la machine médiatique et par l’opinion publique française qui n’a rien pu faire à part se ranger du côté de l’ordre et des autorités face à ce déferlement de violences. Heureusement même que le président Macron et que le gouvernement Borne n’ont pas pris position contre les banlieues, sinon ça aurait été le coup de grâce du mouvement aux yeux de l’opinion. 

III. Les choses que personne n’a osé dire sur les quartiers et sur la société française contemporaine

Je commencerai par dire que pour qu’un mouvement soit viable dans le temps et pour qu’il soit entendu de manière efficace. Celui-ci doit obéir à certaines règles primordiales. Il doit en premier lieu et avant toute autre chose avoir des représentants et des porte-parole. Deuxièmement, il faut également, que les diverses actions menées par le groupe soient coordonnées et cohérentes.

A. Quelle est la visée politique derrière ces émeutes ?

Le réel problème vient d’ici. Le mouvement n’a pas de visée politique claire et définie. Malheureusement, dans la callé à part répondre à la violence par la violence, on n’est pas vraiment bon. Ce qui fait que de manière quasi-systématique, lorsqu’il y a une opposition frontale comme ici entre l’État (un système cohérent et uniforme) et les banlieues (un ensemble incohérent et hétérogène). La bataille médiatico-politique est perdue d’avance. Avoir le soutien de l’opinion publique est primordial pour qu’un mouvement puisse fonctionner. Sans lui, le système l’emportera toujours.

B. La France de notre temps n’est plus la France

Ensuite, je vais vous parler d’un constat que je fais depuis l’époque des gilets jaunes et du Covid-19 (2018-2020). Les Français des années 2020s ne sont pas prêts à véritablement changer le système. Pire encore, certains préfèrent le maintien de ce statuquo par peur du changement de sorte à pouvoir conserver leurs intérêts.

Mesdames, Messieurs, avec tout ce que nous (Français) avons subi depuis 2019, il est aujourd’hui assez fascinant de voir l’étonnante passivité de beaucoup d’entre nous. La France n’est plus la France, non pas à cause de l’immigration comme l’aurait dit Éric Zemmour, mais plutôt parce qu’elle a perdu ses principes révolutionnaires historiques qui faisaient d’elle, autrefois, sa singularité. 

En toute honnêteté, je suis sincèrement persuadé que si la Révolution française de 1789 devait avoir lieu à notre époque, elle n’aurait même pas eu lieu. La plupart des gens seraient restés chez eux, et auraient déploré l’action des révoltés. C’est sûrement un constat qui peut être dur à lire, mais réfléchissez à mon hypothèse en se basant sur tout ce que j’ai expliqué depuis le début. 

En 2023, j’ai l’impression que tout le monde est conscient que le système n’est pas bon, mais en même temps tout le monde a peur de s’opposer face à lui d’une seule puissante voix comme à l’époque. Au lieu de cela, on préfère laisser les banlieues agir pour elles seules, les gilets jaunes agir pour eux seuls et les militants contre la réforme des retraites agir seuls. C’est pour cela que selon moi, ces trois mouvements isolés demeureront sous ces formes voués à l’échec.

Et vous qu’en pensez-vous ? Dites-moi tout dans les commentaires.

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