Story-Time : arrêté par la brigade des stups de la DRPJ en plein Paris #17

Story-Time : arrêté par la brigade des stups de la DRPJ en plein Paris #20


Dimanche 19 juin 2022, dans l’après-midi, aux alentours de 15h-16h, je me suis fait arrêter par la police pour la deuxième fois de la journée. Ça s’est produit à bord de ma Renault Zoé en plein Paris, dans le VIIe arrondissement, aux environs d’invalides. L’interpellation s’est bien passée pour moi, j’en suis revenu vivant et ils ne m’ont rien fait. Mais je compte quand même vous faire part de mon expérience, puisque même s’il ne s’est rien passé de grave, l’attitude des policiers envers moi était au départ trépidante.

Mise en garde – Chapô introductif

C’est la toute première fois que je témoigne publiquement de cette histoire. Certains de mes amis proches ont pris connaissance de la story le jour même. Toutefois, beaucoup d’autres personnes, y compris les membres de ma famille, ne sont pas au courant. Pourquoi n’ai-je pas prévenu ma famille ? Parce que je ne voulais pas les inquiéter et les affoler. Ça peut paraître fou, mais quand on voit par où sont passées des personnes comme Adama Traoré (tué par un gendarme lors d’une course-poursuite), Michel Zeckler (agressé physiquement et verbalement dans son studio d’enregistrement) ou encore Théo (affaire de la matraque) pour ne citer qu’eux. Toutes ces histoires cumulées au fait que les étrangers (noirs et arabes) ont des rapports compliqués avec les forces de l’ordre peut inquiéter rapidement.

Ma petite back story

Je m’appelle Albin et j’ai 23 ans. Enfance sans problème sauf à la maison comme dirait Booba. J’ai grandi dans l’Essonne (91) à Évry et plus précisément aux Pyramides dans le cas où certains d’entre-vous connaîtraient la zone ou bien la renommée nationale de mon quartier (Cortex, Malason, La Lucarne). En 23 ans d’existence, je n’avais jamais eu affaire à la police. Je n’ai jamais été emmené à côtoyer de près ou de loin le monde de la petite délinquance comme celui du grand banditisme. Les arrestations, les descentes, la violence, les stupéfiants, les agressions ne font clairement pas partie de mon univers.

De plus, jamais au cours de ma vie, je ne m’étais fait arrêter par la police. D’ailleurs toutes les fois où je voyais la police française en action, et ça peut faire cliché, c’était dans Enquête d’action. De nombreuses fois, il m’arrivait lorsque j’étais petit de visionner ce genre d’émission où on pouvait suivre le quotidien de policiers municipaux et nationaux sur les bords de plage, en ville, sur la route ou dans les quartiers. C’était drôle et en même temps passionnant à regarder. Par contre, en dehors de toutes ces images, je n’avais jamais vraiment interagi avec des policiers dans la vraie vie, en dehors des fois où je travaillais à la SNCF.

Il faut aussi savoir que je suis un jeune de couleur « négroïde » comme diraient certains, et qu’en plus j’ai la particularité de rouler en voiture électrique. Une caractéristique peu courante chez les personnes de couleur et encore moins si cette personne un jeune étudiant. Pourtant, en neuf mois de permis, je ne m’étais jamais fait arrêter par la police. Mais ce jour-là va marquer l’histoire puisque je vais me faire arrêter pour la toute première fois en 23 ans de carrière par la police. Non pas qu’une seule fois, mais deux fois dans la même journée !

Ma première arrestation s’est déroulée le matin en me rendant à mon emploi étudiant. Elle s’est bien passée et les policiers ont été courtois et très professionnels. Je m’étais fait arrêter en raison d’une infraction supposée au Code de la Route, du coup ça pouvait passer comme motif et d’ailleurs finalement, je n’ai rien eu.

Néanmoins, pour la deuxième arrestation qui s’est quant à elle déroulée sur Paris, c’était la meilleure ! Un véritable baptême pour moi qui n’avais jamais eu affaire à la police auparavant et qui n’avais jamais subi le moindre racisme. Je me suis brutalement retrouvé face à ma condition. Celle d’un homme noir et encore pire, celle d’un jeune délinquant d’origine africaine tout droit sorti de banlieue. Voici donc mon histoire.

Dimanche 19 juin 2022 – une après-midi presque ordinaire 

Mes semaines sont très rythmées par les études et par le travail. Ce qui me fait « travailler » sept jour sur sept sans repos. Le dimanche après-midi est ainsi le seul moment que j’ai dans la semaine pour décompresser. Je profite de cette demi-journée pour sortir voir ma famille ou des amis, mais j’en profite parfois aussi pour me retrouver seul et me promener. Avant d’avoir le permis, je me promenais en Vélib sur Paris dans un premier temps et plus tard, j’ai commencé peu à peu m’immiscer dans les villes de la petite couronne pour changer. Toutefois, depuis mon obtention du permis, j’ai continué cette habitude en voiture et en allant toujours plus loin en île de France. 

Ce dimanche 19 juin 2022, mon humeur était plutôt parisienne. Je venais tout juste après avoir voté lors du second tour des législatives, je me suis retrouvé à me balader sur Paris. Je suis arrivé par le sud via Porte d’Orléans puis j’ai vogué vers Alésia, je suis passé par Montparnasse, par Necker et et j’ai remonté le boulevard de Grenelle. À cet instant voyant que je n’étais pas très loin d’Invalides, mon esprit curieux et aventurier m’a fait remonter l’Avenue de Lowendal, et je me suis retrouvé sur l’Avenue de Tourville au niveau de la station de bus Vauban. 

J’étais en train de me diriger dans la direction du Boulevard des Invalides. Arrivé à un feu rouge, je m’arrête tout comme les 4-5 autres voitures qui me précédaient. Puis dans l’autre sens, j’aperçois un Renault Trafic de la police arriver. Au moment où leur voiture passe à mon niveau, je ressens un regard posé avec persistance sur mon véhicule. C’est donc tout naturellement que je me suis mis à brièvement les regarder. Les autres voitures devant moi ont démarré et j’ai redémarré aussi. Mais sentant que les policiers dans le Trafic m’avaient regardé avec insistance, j’ai regardé mon rétroviseur gauche et mon rétroviseur intérieur pour voir ce qu’ils allaient faire. Et là, je les vois faire demi-tour d’un coup et actionner leurs gyrophares. En plus, ce que j’ai trouvé drôle c’est que toutes les autres voitures devant moi ont tourné à droite en direction de la Place Vauban ce qui a fait que comme par hasard je me suis retrouvé seul à continuer tout droit sur l’Avenue de Tourville (sacrée avenue). 

Les policiers se mirent sur ma gauche et ils m’indiquent de me placer sur le côté. L’un d’eux me demanda même si j’avais du liquide sur moi. De manière assez instinctive, j’ai répondu que non. Je ne savais pas pourquoi ils me l’avaient demandé et dans ma tête je me suis dit que peut-être que si j’en avais ils en auraient profité pour que je les paie afin que ça en reste là. Ça peut sembler bizarre mais quelques temps avant j’avais regardé une vidéo de Greg Toussaint dans laquelle il expliquait s’être fait arrêté par la police en Amérique latine. Il expliquait alors que les policiers l’ont ordonné d’aller retirer de l’argent pour eux s’il voulait que tout se passe bien. Par analogie, j’ai automatiquement pensé à ça et je me suis dit que ça devait être une pratique courante dans la police puisque la particularité de l’espèce c’est que ça ne laisse pas de trace. En plus, à travers mon interaction avec les policiers le matin, j’ai pris conscience que mon véhicule quand il était conduit par un noir pouvait faire très bling-bling et mister I got a lotta money in my bank account. Je me suis alors arrêté sous leurs ordres sur le bas côté au niveau du 1 Avenue de Tourville dans ce qui semble être à première vue une zone de stationnement pour car. 

La confrontation 

Les policiers sortent ensuite de leur véhicule dans lequel seul le signal lumineux des gyrophares était encore actionné. Ils étaient au nombre de trois. Deux policiers classiques et un officier de police judiciaire. L’un des deux policiers classique, un homme de taille plutôt grande par rapport à moi et mince m’ordonne avec une voix menaçante et agitée de couper le contact de mon véhicule et de sortir de la voiture, ce que je fis sans broncher. À cet instant, je ne savais pas ce qui allait se passer, ni pourquoi j’avais été arrêté. Je me mis alors à penser à tellement de choses dans ma tête en un court instant : « que vont-ils me faire ? » ; « est-ce que ça va partir en couille ? » ; « est-ce qu’ils vont m’embarquer au commissariat ? » ; « vais-je être victime d’une énième bavure policière ? ». Une situation assez cocasse puisqu’en l’espace d’une journée j’aurais été en contact avec la police deux fois de suite. Mais en même temps inquiétante puisque cette équipe ne semblait pas du tout rigoler. On dit souvent que tant que ça ne nous touche pas, on ne le comprend pas vraiment, mais ce jour-là j’ai compris. 

Une fois sorti de mon véhicule, il se mis à me déporter au niveau de la portière arrière droite [de mon véhicule] où était entrain de m’attendre l’officier de police judiciaire sur le haut du trottoir. Ce même policier à la taille plutôt grande se mis à me dire d’un air très autoritaire : « Donc là on va se la jouer cash, et on ne le répétera pas une fois. C’est soit tu nous dis tout de suite la vérité et on ne perd pas de temps ou soit on retourne le véhicule à la recherche d’indice ». Dans ma tête la pression est retombée d’un coup et j’ai limite failli exploser de rire devant eux tellement la situation m’a fait rire. Le second policier classique, d’une taille moyenne, brun et avec de la barbe me dit alors « à qui je vends ? ». 

Je compris à ce moment-là que les policiers étaient en train de croire que j’étais un vendeur de drogue. De plus, vu leur manière de s’exprimer et les invectives qui me lançaient, on aurait crû qu’ils tenaient la prise du siècle. J’avais l’impression d’être à leurs yeux Pablo Escobar de la calle. L’un des plus grands gérants de drogue de l’île de France alors que c’est tout l’inverse. Une fois que j’ai pris conscience de la façon dont ils me considéraient je me suis mis à éclater de rire. Il faut savoir que je suis une personne qui n’apprécie pas la domination. Plus tu essaies d’être autoritaire et arrogant envers moi et plus [ça va me faire]X et ça fait ressortir l’insolence et l’arrogance que j’ai enfouie en moi depuis tout petit. C’est totalement naturel, je ne le contrôle pas. Et en plus, ils me prenaient pour quelqu’un que je ne suis clairement pas, leur sérieux me faisait tellement rire. 

Ensuite, ils m’ont expliqué que ce n’était pas drôle et que du coup ils allaient procéder à la fouille du véhicule. Sur l’instant je ne connaissais pas bien mes droits, mais j’étais persuadé que la fouille d’un véhicule était une pratique réglementée. Et que celle-ci devait se faire sous une autorisation administrative. Je demanda alors à l’OPJ de me montrer le fameux arrêté préfectoral dont il me parlait et qui lui conférait le droit de fouiller mon véhicule sachant que je n’avais rien fait de suspect. À moins que le fait d’être un noir au volant d’une voiture électrique soit considéré par la police comme étant un comportement suspect ? L’OPJ et le second policier m’ont tout de suite dit de faire attention à mes mots car ils pourraient se retourner contre moi si jamais ils décidaient de porter plainte contre moi puisque je serais en train de les accuser de délit de faciès. 

Dites-moi vous ce que vous en pensez ? Car, arrêter en pleine capitale, un individu de couleur noir, au volant d’une voiture électrique parmi toutes les autres voitures présentes au feu rouge, sous prétexte qu’il pouvait potentiellement être un dealer arpentant les rues de Paris à la recherche de clients. 

Franchement, on ne me l’a jamais faite celle-là. Je fais mes études sur Paris à la Sorbonne depuis 2017. Je sors très souvent sur Paris et ce tout arrondissement confondu. J’ai eu mon club d’athlétisme sur Paris, et j’ai travaillé à plusieurs reprises à la SNCF/RATP/BNP Paribas/Monoprix là-bas et je n’ai rien eu. C’est une ville que je connais très bien, et je n’y avais d’ailleurs jamais connu le moindre problème là-bas en 5 ans. 

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