Joséphine Baker (Fisko James)

Josephine Baker : histoire d’une Afro-américaine tombée amoureuse de la France


Il y a quelques jours, nous apprenions la « panthéonisation » de Josephine Baker pour le 30 novembre prochain. Mais qui était Josephine Baker et qu’a t-elle fait pour se faire connaître et pour marquer son époque.

C’était une femme Afro-américaine de naissance certes, mais c’est dans le vieux continent qu’elle trouva le bonheur, dans le monde européen des années de l’entre-deux-guerres. C’est dans cet univers profondément marqué par le racisme et les clichés, qu’elle fera connaître sa légende, ce qui était d’autant plus compliqué pour une femme et en plus de couleur à cette époque. Néanmoins, l’histoire de Josephine Baker connaît une postérité assez complexe, car elle est accusée par ses détracteurs d’avoir alimenté et perpétué l’image du « Noir sauvage » et de ne pas avoir suffisamment soutenu la cause noire, tandis que d’autres la considère comme une grande figure de la Résistance française. 

Son histoire est beaucoup plus complexe que cela et il s’agira ici, de nous nous intéresser à la vie de cette femme qui a réussi à marquer son époque en devenant la première icône noire de son temps et une figure emblématique pour la patrie qui l’a adopté. 

SOMMAIRE :

I. Une enfance entachée par la pauvreté et la ségrégation (USA)
II. Le succès et la gloire (en Europe)
III. Ses combats politiques (résistante et activiste pour les droits civiques aux Etats-Unis)


I. Une enfance entachée par la pauvreté et la ségrégation (USA)

Joséphine Baker de son vrai nom Freda Josephine McDonald naît le 3 juin 1906 à Saint-Louis, dans l’Etat du Missouri aux Etats-Unis. Son père, qu’elle n’a pas connu, serait d’origine espagnole et sa mère métisse noire et indienne. Il faut savoir qu’à cette période, les Etats-Unis étaient fortement touché par le racisme et par la ségrégation, d’autant plus que le Missouri est un Etat du Sud des Etats-Unis là où la tendance esclavagiste était fortement la plus localisée. C’est dans un environnement marqué par les violences perpétrées par le KKK et les injustices faites envers la communauté noire que la jeune Joséphine McDonald grandie. 

Très jeune, ayant grandi dans une famille pauvre, elle dut aller travailler en tant que ménagère dès l’âge de 7 ans dans les maisons des riches familles blanches de sa ville, mais cet environnement austère et l’accueil hostile de certaines familles ont fait qu’elle ait voulu s’émanciper de cette condition. Également très vite, elle comprend que la danse pourrait lui permettre de lui ouvrir des portes et de lui permettre de gagner de l’argent en mettant ses talents à profits et c’est ainsi qu’à 13 ans, elle quitte Saint-Louis accompagnée d’un groupe de danseurs noirs itinérants.

Arrivée à New-York en 1922, elle s’aperçoit que l’audience de la comédie musicale est très blanche et que pour s’en sortir, il allait falloir capter l’attention de cette audience, les choquer pour s’en sortir, c’est là qu’elle commença à mettre en avant ses qualités de danseuses de music-hall et artistiques mêlant ainsi la provocation et la justesse. Mais son parcours sera difficile, car les producteurs noirs ne m’étant que les femmes métisses (light-skin) en avant (comme quoi le problème du colorisme ne date pas d’hier), elle se voit refuser des rôles majeurs car étant jugée trop noire et trop fine. Puis, un jour une femme blanche productrice de la Revue Nègre à Paris du nom de Caroline Dudley Reagan voit un grand potentiel en elle et décide de lui proposer une offre dans laquelle elle aura le rôle majeur, tout en lui présentant la France comme un pays dans lequel, elle sera appréciée à sa juste valeur et non par la couleur de sa peau.

II. Le succès et la gloire (en Europe)

Lorsqu’elle arrive missionnée en France au Théâtre des Champs-Élysées en 1925, elle sait que c’est pour elle une très grande opportunité, une opportunité qui pourrait être sans doute la dernière de toute sa vie. Cependant, la Revue Nègre est jugée trop américaine par les spectateurs parisiens, eux qui voulaient plus de « bestialité et de sauvagerie », des attributs clichés qu’ils s’étaient imprégnés de l’homme noir à une époque où l’exposition coloniale était toujours d’actualité. 

Joséphine Baker a su choquer le public parisien avec ses danses et ses accoutrements totalement nouveaux, ces looks atypiques qui ont marqué sa postérité jusqu’à présent, avec sa célèbre ceinture de bananes et ses seins nus devant un public français émerveillé par le corps nu de la femme exotique. 

Ce fut un succès phénoménal et bientôt, son nom fut érigé comme l’une des plus grandes figures artistiques des années 20 et des années 30. Certains voient en elle un symbole de la décadence pendant que d’autres voient en elle un symbole de la modernisation d’une Europe traumatisée par les violences de la Première Guerre mondiale. 

Après avoir fait le tour de l’Europe avec ses représentations et avoir côtoyé des grandes personnes du domaine artistique comme Paul Poiret, Christian Dior, Pierre Balmain (couturiers), Alexander Calder (sculpteur américain), Colette (écrivaine française), Frida Kahlo (peintre mexicaine), Pablo Picasso (peintre et sculpteur espagnol) ainsi que Kees van Dongen (peintre germano-français). C’est devenu un emblème, une marque même à travers Bakerfix grâce à son teint bronzé et ses cheveux laqués. Une véritable icône du chant, de la danse et du cinéma

La figure historique Josephine Baker sur scène à Paris en France avec sa fameuse ceinture de bananes qui a vivement fait polémique.
Joséphine Baker et sa fameuse ceinture de bananes
Josephine Baker vue par l'artiste Kees van Dongen, un peintre avec une fois encore la ceinture de bananes de l'emblématique femme noire de l'époque.
Joséphine Baker vue par Kees van Dongen

Son succès en Europe est désormais certain, mais l’Américaine ressent le besoin de se produire aux Etats-Unis, pays dans lequel elle a grandi. Mais à son retour elle fut surprise de constater que rien n’avait changé et que la situation ségrégationniste des USA se poursuivait. De plus, son succès en Europe ne l’a pas empêché d’être victime de racisme, ce qui fut un choc personnel pour elle vu qu’elle pensait ne plus devoir subir le racisme en raison de son succès interplanétaire. De l’autre côté, dotée désormais d’une plateforme internationale, elle est accusée par d’autres confrères d’avoir percé seule sans avoir mis en valeur les gens de la communauté, elle est même accusé de seulement faire du divertissement et de ne rien faire d’autre… 
Désormais, retombée sur Terre, elle décide de se faire naturaliser française en 1937 et elle entamera maintenant un tournant dans sa vie en devenant une artiste engagée. 

III. Ses combats politiques (résistante et activiste pour les droits civiques aux Etats-Unis)

Durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), elle devient Résistante pour protéger ce pays auquel elle se sent redevable, ce pays qui lui a donné son succès et qui la regarde autrement que par sa couleur de peau, bref, ce pays dont elle est tombée amoureuse. 
Elle est espionne pour le compte de la France libre dirigée par le Général de Gaulle et elle va profiter de son activité artistique pour galvaniser les troupes françaises comme par exemple au Maroc entre 1941 et 1944, mais aussi au Moyen-Orient et dans d’autres lieux dès 1944 pour l’Armée américaine. Elle a utilisé son statut pour cacher dans ses partitions musicales des plans d’installations allemandes et elle s’est aussi engagée dans l’Armée de l’Air sous le rôle de sous-lieutenant. 
Au lendemain de la guerre, elle deviendra une héroïne de la nation française en se voyant décerner plusieurs titres comme la Médaille de la Résistance puis elle sera décorée de la Légion d’honneur (plus haute décoration honorifique française) par le Général de Gaulle lui-même. 

Après avoir vaillamment défendu la France, il lui restait encore un autre combat, celui de la lutte contre la ségrégation dans la société américaine. Elle avait retenu la leçon d’avant-guerre et cette fois, elle a pris le choix de ne plus vouloir se produire dans les salles qui refusaient que les noirs soient présents. Elle a aussi choisi de s’exprimer et de prendre position dans plusieurs causes raciales aux USA entre 1947-1951 ce qui lui valut rapidement d’être blacklisté par les USA (interdit de VISA) et d’être cancelled d’un grand nombre de ses tournées en Amérique latine, Haïti etc. sous l’influence direct du patron du FBI. 
Néanmoins, son combat ne sera pas vain car au début des années 60, le momentum est en faveur des militants anti-racistes avec Rosa Parks, Martin Luther-King et Malcom X. Après avoir été persona non grata pendant 13 ans, Martin Luther King va demander au Président Kennedy de pouvoir rétablir Joséphine Baker afin qu’elle puisse participer à la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté du 28 août 1963, là où il a prononcé son historique discours I have a Dream et là où elle tiendra ses mots :

Je veux que vous sachiez que c’est le plus beau jour de ma vie. Vous voir réunis aujourd’hui est un baume à mes yeux (…) Vous êtes enfin un peuple uni. Vous êtes à la veille d’une victoire, vous ne pouvez pas échouer, le monde est avec vous !

Joséphine Baker (28 août 1963 à Washington, D.C)
Joséphine Baker “J’ai deux amours” (live officiel) | Archive INA

Petit (+) : elle est aussi connue pour avoir adopté 12 orphelins tous issus de cultures différentes. Elle les a faits grandir dans son Chateau des Milandes en Dordogne et son but était de les faire vivre en communauté dès le plus jeune âge sous l’étendard de ce qu’elle appelait la tribu arc-en-ciel. Idée qui a inspiré Nelson Mandela dans l’élaboration de la nation arc-en-ciel en Afrique du Sud à sa sortie de prison.

Le 30 novembre 2021, elle rejoindra les hommes qui ont marqué l’histoire France au Panthéon, ce temple laïque qui honore la mémoire des héros de la patrie. Ce sera la 6ème femme à y entrer et ce sera la première femme noire et la première artiste à entrer dans ce haut-lieu de la distinction française

Sources :

Joséphine Baker, au-delà des bananes (Jeune Afrique) : https://www.jeuneafrique.com/228665/culture/jos-phine-baker-au-del-des-bananes/
Joséphine Baker, danseuse et résistante – Culottées #4 (FranceTV Slash / Studio) : https://youtu.be/9WtsxEjHyOo
Jean-Claude Bouillon-Baker raconte sa mère Joséphine Baker dans un “Chateau sur la Lune” : https://youtu.be/QHWRXPhhDQY
Joséphine Baker, histoire d’une icône (TV5Monde) : https://www.youtube.com/watch?v=98wsQUAAUuU
Joséphine Baker – Première icône noire (Documentaire Arte par Ilana NAVARO) : https://youtu.be/KctSZSY62ps
Joséphine Baker était considérée comme ‘négrophobe’ par les activistes noirs de Paris de l’époque (Nofi) : https://www.nofi.media/2017/08/josephine-baker-negrophobe/42001

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