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Afghanistan : retour sur l’histoire d’un pays dans lequel les « Grands » se font surprendre


Ces dernières années, nous entendons souvent parler de l’Afghanistan et très souvent en mal. On nous a parlé d’un pays gangrené par les guerres et le terrorisme, on a parlé d’intervention américaine, d’instabilité politique, de talibans, de libertés menacées, de divisions ethniques, mais qui connaît réellement l’histoire de l’Afghanistan ? Pour comprendre le sujet, j’ai cherché à travers un principe qui m’est cher, à connaître le passé pour mieux comprendre le présent, et cela m’a permis de comprendre que si nous en sommes là actuellement, ce n’est pas le fruit du hasard et que le retour des talibans au pouvoir en 2021 après 17 ans d’absence s’explique par de nombreux faits. Il s’agira d’analyser l’histoire géopolitique de l’Afghanistan afin de comprendre l’actualité récente.

SOMMAIRE

I. Présentation générale de l’Afghanistan
II. L’Afghanistan : À l’heure de la course à l’influence des Soviétiques et des Américains
(Guerre froide)
III. L’Afghanistan : un pays ravagé par les conflits internes depuis la période post-guerre froide
IV. Le retour des talibans au pouvoir (août 2021)


I. Présentation générale de l’Afghanistan
A. Caractéristiques géographiques et économiques

Carte de l'Afghanistan, Larousse Encyclopédie ©
Carte de l’Afghanistan, Larousse Encyclopédie ©

L’Afghanistan est un pays d’un peu moins de 40 millions d’habitants, dans lequel la superficie est un peu plus grande que celle de la France (653.000 km² contre 644.000 km²). C’est un pays très montagneux et coupé en deux par une chaîne de montagne de 154,488 km² du nom d’Hindu Kush (au nord-est) et s’élevant à 7,690m d’altitude. La population afghane est une population rurale à 74% (2020) d’après les chiffres de la banque mondiale, ce qui fait d’elle une population peu urbaine. A titre de comparaison avec ses voisins, l’Iran est à 24%, le Turkmenistan à 47% et le Pakistan à 63%.

Les grandes villes du pays sont Kaboul (capitale) avec 4.435 millions d’habitants, Hérat avec 574.276 habitants, Kandâhar avec 614.118 habitants, Mazâr-e Charîf avec 500.207 habitants et Jalalabad 280.685 habitants.

C’est un pays doté de nombreuses ressources minérales comme le fer, le cuivre, le lithium, l’or, le chromite, les terres rares, pierres précieuses et semi-précieuses), ce qui a comme vous le verrez plus tard dans l’article, été l’objet de nombreuses convoitises de la part des pays voisins et d’autres pays que vous connaissez.

C’est également un pays qui a une balance commerciale déficitaire, car l’Afghanistan importe largement plus qu’elle exporte, ce qui fait d’elle un pays très dépendant de l’aide humanitaire international, étant donné qu’il achète plus à l’étranger qu’il ne vend. Son économie est essentiellement focalisée sur l’agroalimentaire, le textile et les constructions mécaniques. Néanmoins, il possède le malheureux titre de premier producteur d’opium au monde avec 90% de la production mondiale du pavot d’opium et ce depuis les années 1990.

B. Caractéristiques de la population afghane

La population afghane est musulmane à 99% et parmi cette population musulmane : 80% sont sunnites et 20% sont chiites. Durant son histoire, le pays a été islamisé aux alentours de 651, mais il n’a jamais été arabisé. En effet, il faut savoir que l’islamisation de l’Afghanistan a été lente et qu’elle ne s’est pas faite facilement en raison de la résistance locale, celle-ci a durée du VIIe au IXe siècle.

L’Afghanistan est un pays composé de plusieurs groupes ethniques qui sont pour les plus grands : les Pachtounes (38%), les Tadjiks (25%), les Hazaras (19%). Les Pachtounes occupent le pouvoir, parlent une langue indo-iranienne et ont des liens forts avec le Pakistan tandis que les Tadjiks eux ont des liens avec les Perses.
Cette diversité éthnique morcelle le pays en diverses zones, dans lesquelles chaque ethnie et clan à sa sphère d’influence. Les Pachtounes sont essentiellement présents dans le sud du pays mais aussi au Pakistan (cf cartes).
D’ailleurs, la frontière qui existe entre les deux pays a été tracée par les Britanniques au XIXe siècle en 1893. Il s’agit de la ligne Durand, et elle a une comme principale incidence de diviser les tribus Pachtounes entre elles, et de protéger les Indes britannique de tout mouvement insurrectionnel.

Cartes des ethnies de l'Afghanistan
Cartes des ethnies de l’Afghanistan par Philippe Rekacewicz ©

C. Brève histoire de l’Afghanistan

Avant l’islam, le pays était bouddhiste depuis le IIIe siècle, d’où certaines références à l’art pré-islamique dans certaines zones du pays comme le Bouddha géant (Bouddhas de Bâmiyân) détruit par décret en 2001 par les talibans.

L’Afghanistan, ce carrefour historique des civilisations a toujours été l’objet de convoitises et a subi l’envahissement de la part des autres puissances, ce fut le cas avec Alexandre le Grand dans l’Antiquité (Royaume de Macédoine), avec les Ghaznévides au Xe-XIIe siècles (dynastie musulmane d’origine turque), avec les Mongoles au XIIIe siècle, Empire timouride au XIV-XVe siècle puis au XVIIIe-XIXe siècle, il servira d’Etat tampon entre l’Empire britannique des Indes et la Russie.

Étonnement, le pays n’a jamais réussi à être occupé longtemps par ses envahisseurs, que ce soit au cours de son histoire comme dans l’histoire récente avec les Russes et les Américains au XXe-XXIe siècles. Par exemple, avec la compagnie britannique des Indes orientales, les Anglais ont connu une très lourde défaite militaire en novembre 1841 après avoir tenté de prendre parti de la zone. Les Soviétiques eux aussi n’ont pas réussi à conserver leur influence lors de la Guerre froide et désormais, ce sont les Américains qui subissent le même sort en étant poussé vers la porte de sortie sans avoir réussi à pacifier le pays et à y instaurer la démocratie, mais à quoi cela est-il dû ?


II. L’Afghanistan : A l’heure de la course à l’influence des Soviétiques et des Américains (Guerre froide)
A. L’Afghanistan au cours de la première partie du XXe siècle

Au XXème siècle, après la guerre d’Indépendance, guerre anglo-afghane du 6 mai au 8 août 1919‎, l’Afghanistan est libre sous Amanullah Khan (1926-1929) mais il sera jugé trop progressiste, car il voulait la modernisation du pays et l’éducation des femmes ce qui déplut à ses détracteurs et il sera immédiatement remplacé par Habibullah Ghazi qui mettra en place une dictature sanguinaire de six mois. À la suite, le pays connaîtra une instabilité politique due au fait que de nombreux de ses dirigeants se seront assassinés ou renversés.
Les raisons de ces échecs sont que le pays subissait toujours l’influence de son ancien envahisseur (Royaume-Uni) qui a tout fait pour isoler l’Afghanistan, son isolement et son archaïsme politique (pays très conservateur) ont ralenti que le développement du pays. Puis, après la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni s’est retiré de la région et le pays est devenu cette fois dépendant des Organisations Internationales.

Carte du Moyen-Orient centrée sur l'Arabie saoudite et Afghanistan
Carte du Moyen-Orient

B. L’Afghanistan sous la Guerre froide

Durant la Guerre froide, les Soviétiques et les Américains qui cherchaient des alliés en dehors des frontières européennes et des zones dans lesquelles ils pourront étendre leur sphère d’influence, se sont intéressés à l’Amérique latine, à l’Afrique et à l’Asie. Cependant, ici, nous nous focaliserons sur l’exemple afghan. En Afghanistan, les Américains ont cherché à influencer le pays par le sud et les Soviétiques à travers le lien fort qu’ils ont avec le Tadjikistan.

L’invasion des Soviétiques en Afghanistan est expliqué pour certains observateurs comme le dit Odd Arn Westad dans son ouvrage Histoire mondiale de la guerre froide de 1890-1991 comme ayant pour but d’occuper les ports de l’océan Indien et le contrôle du pétrole du Golfe.

Quelques temps avant, l’Afghanistan avait entre 1963 et 1973 été l’objet de tentatives de démocratisation occidentale sous Mohammad Zaher Shah (1933-1973) mais cela a été un échec, car la famille royale (pachtoune) voulait créer un royaume uniquement avec les Pachtounes (Pachtounistan). Puis à la fin des années 70, les Soviétiques ont fomenté un coup d’Etat mettant ainsi fin au règne de Mohammad Daoud Khan (1973-1978) et ils mettront au pouvoir après plusieurs ingérences Babrak Karmal (1980-1986).

Le focus sur la guerre d’Afghanistan 🔎

Au début des années 1980, le pays connaît une très forte instabilité politique due au coup d’Etat communiste de 1978 et à la guerre civile opposant les moudjahidines à l’Armée rouge. Dans les autres pays voisins, les Etats sont très favorables à l’islamisme politique, c’est notamment le cas du Pakistan sous le Général Muhammad Zia-ul-Haq (1977) et de Rouhollah Khomeini en Iran (1979). Ayant eu peur de perdre le contrôle idéologique de la région, l’URSS va s’engager militairement afin protéger le régime communiste de la République Démocratique d’Afghanistan et c’est là que les gros problèmes qui gangrènent l’Afghanistan jusqu’à nos jours vont commencer ⚠️.

Les moudjahidines combattent au nom de la foi et ils sont de fervents opposants au pouvoir russe. Ils ont la particularité de fonctionner en clan, ethnie et religion (ce sont des musulmans chiites.) et dans ce contexte de guerre froide, les Américains vont leur tendre la main en finançant leurs activités et en leur fournissant des armes puisqu’ils avaient un ennemi commun. Les Américains vont aussi soutenir les Pachtounes sunnites d’Afghanistan par l’Axe du Sud avec l’aide du Pakistan et de l’Arabie Saoudite, qui va envoyer des djihadistes pour reprendre l’Afghanistan. Par ailleurs, parmi eux figure un homme qui vous est sûrement un peu familier car son nom est Oussama Ben Laden.
Au cours de ce conflit, le Pakistan va devenir rapidement une base pour les USA et ses alliés, et les djihadistes saoudiens vont recruter et s’entraîner dans cette base arrière. Les Etats-Unis vont aussi s’allier aux Iraniens hazaras d’obédience chiite après leur révolution islamique. Cette conjoncture va profondément marquer l’Afghanistan, ce qui va créer l’anarchie et de nombreux civils vont aller se réfugier dans les pays voisins. Aussi, le dirigeant afghan de l’époque Babrak Karmal va par sa politique renforcer l’opposition avec ses maladresses politiques se mettant ainsi les populations rurales à dos et renforcer la fracture sociale dans un pays déjà bien fragilisé par l’ingérence étrangère. D’ailleurs, le directeur de la CIA William Casey a même prononcé les mots suivant pour décrire la situation en Afghanistan :

C’est là tout le charme de l’opération en Afghanistan. D’habitude, les Américains passent pour de gros méchants qui tapent sur les autochtones. En Afghanistan, c’est exactement l’inverse. Ce sont les Russes qui tapent sur ces petits gars. Nous n’en faisons pas notre guerre. Les moudjahidines ont de la motivation à revendre. Tout ce que nous avons à faire, c’est de leur donner un coup de main, un bon coup de main.

William Casey, directeur de la CIA (1981-1987)

La situation s’enlise et la communauté internationale va demander à de nombreuses reprises aux Russes de se retirer du territoire, des conseillers du président russe Brejnev vont même le lui conseiller, mais ce sera seulement en 1986 avec l’arrivée de Gorbatchev qu’une solution sera finalement trouvée à cette première guerre d’Afghanistan avec les Accords de Genève (avril 1988).
Le conflit aura raison de l’URSS et aura pour très grande conséquence d’être l’une des étapes ayant provoqué l’effondrement de l’URSS en 1991. Au même moment, lorsque le conflit s’est terminé, le pays est resté fragmenté par de vives tensions et est de nouveau en proie à une guerre civile. Ces tensions qui étaient autrefois entre nationalistes et communistes afghans, oppose cette fois plusieurs visions de l’islam, autour de deux figures que sont Hekmatyar (contrôle les campagnes) et Najibullah (contrôle les grandes villes).

III. L’Afghanistan : un pays ravagé par les conflits internes depuis la période post-guerre froide
A. L’arrivée des talibans au pouvoir

À la fin de la Guerre d’Afghanistan, alors que les Russes s’étaient désengagés militairement en 1989, le pouvoir communiste afghan (R.D.A représenté par Najibullah), désormais orphelin va résister et tenir Kaboul jusqu’au 29 avril 1992, avant d’être balayé par les forces représentées par le commandant Massoud.

Massoud va proclamer l’Etat islamique d’Afghanistan quelques semaines plus tard avec les Accords de paix de Peshawar mais des divisions ethniques entre les Tadjiks du Nord (représentés par Massoud) et les Pachtounes du sud (représentés par Hekmatyar) vont jaillir et encore plus nous montrer qu’une union nationale du territoire afghan est une utopie. Les fractures se font en fonction des ethnies et des différentes lectures du Coran. De plus, les Nordistes ont plus d’affections pour Massoud tandis que le sud, composé très essentiellement de Pachtounes, préfère un Hekmatyar proposant un islam politique radical. C’est dans ce contexte de fragmentation politico-religieux que les talibans vont émerger en automne 1994 avec une nouvelle figure du nom de Mollah Omar.

Les talibans représentent pour les afghans le juste-milieu entre Massoud et Hekmatyar et ils représentent aussi une nouvelle alternative qui redonne l’espoir de permettre l’unification d’un pays ravagé par les conflits, dans un contexte dans lequel les afghans sont épuisés des guerres à répétions depuis une dizaine d’année. Le mot taliban signifie “étudiant” mais ce ne sont pas vraiment des étudiants, ce terme désigne surtout l’école de pensée à laquelle ils appartiennent. Ils font parti d’une école coranique pakistanaise (école hanafite fondamentaliste) qui est directement inspirée de l’école deobandi (en Inde) qui prône le retour à « un islam juste et respectant les principes islamiques », elle s’était notamment illustrée à la fin du XIXe siècle pour lutter contre l’influence de l’hindouisme.

Mollah Omar proclame l’Émirat Islamique d’Afghanistan en 1996 et l’arrivée des talibans au pouvoir a plusieurs conséquences, la volonté de réformer les moeurs, d’imposer leurs normes par la terreur. Par exemple les femmes sont exclues du monde du travail et de l’éducation en dehors de la sphère domestique. Elles doivent également porter la burqa et les hommes doivent porter la barbe. Ils interdisent aussi en parallèle la musique, la danse et les jouets.
Leur arrivée permet de rétablir l’ordre dans le sud du pays avec l’application très stricte de la charia (mélangée avec des pratiques coutumières pachtounes). Ainsi, en 1999, après trois ans de conquêtes, ils occupent désormais toutes les grandes villes et en 2000, le pays entier est contrôlé dans sa quasi-totalité. Toutefois, seul le nord-est leur échappe et subsiste.

B. L’intervention américaine à la suite du 11 septembre

Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan avant l'arrivée au pouvoir des talibans.


La statue du grand Bouddha (Dipankara) avant et après sa destruction en mars 2001.

En août 1998, deux ambassades américaines sont frappées par des attentats et pour l’ONU et les Américains, le djihadiste saoudien a quelque chose à voir avec cela. Ce qui aura pour conséquence de présenter une première demande d’extradition auprès du gouvernement afghan en 1999, car Ben Laden est perçu comme l’un des principal instigateur de l’attaque. De plus, l’arrivée des talibans au pouvoir choque le monde entier avec les nombreuses restrictions, les conditions de vie imposées aux femmes. Mais ce qui a mis le feu aux poudres, est survenu en mars 2001, lorsque les talibans ont ordonné la destruction d’un sanctuaire historique comprenant des statues de l’époque de l’Afghanistan pré-islamique, cet acte a profondément indigné la communauté internationale, et même des alliés de l’Afghanistan comme le Pakistan et l’Arabie Saoudite.

Oussama Ben Laden revient de nouveau au premier plan le 9 septembre 2001 en participant à un attentat qui a fait perdre la vie au commandant Massoud (nordiste, souvenez-vous), lui qui contrôlait encore le nord-est du pays en compagnie des Tadjiks, des Ouzbeks et des chiites. Deux jours seulement après, l’histoire vous la connaissez, Al-Qaïda attaque les USA, en s’en prenant aux deux tours emblématiques du World Trade Center, à New-York le 11 septembre 2001.

La réponse américaine est immédiate et George W. Bush demande la “livraison” immédiate d’Oussama Ben Laden et de Mollah Omar. Il faut savoir que les Talibans et le Pakistan ont des liens étroits avec l’organisation terroriste en question. La situation est donc géopolitiquement compliquée pour les USA car les alliés par intérêt d’hier sont désormais les ennemis d’aujourd’hui et la situation au Moyen-Orient étant devenue compliquée à cause du recul de la présence occidentale sous la pression des islamistes sur place et de leurs alliés. La requête américaine a été ignorée de nouveau et le Pakistan pourtant allié des Etats-Unis n’a même pas daigner réagir ce qui a eu pour conséquence le déploiement de l’armée américaine dans la région. Sur place, les Américains reprennent rapidement le pouvoir et les talibans fuient vers le Pakistan dans la vallée de Shawal, au sein de leur fameuse base arrière, là où sont réfugiés les “camps d’entraînement terroristes” et les Pachtounes pakistanais.


Je ne sais pas pourquoi mais la situation, je l’ai imagée de cette manière dans ma tête 🤣

C. L’Afghanistan sous domination occidentale

Au départ, l’intervention occidentale était motivée par la volonté de vouloir stopper la propagation du terrorisme à l’international, ce qui nécessitait de en s’attaquer directement à la racine du problème, c’est-à-dire en intervenant à l’épicentre du problème, dans le pays concerné. L’opération est initiée le 7 octobre 2001 et se nomme Operation Enduring Freedom (pour paix immuable en français). Cette opération a quatre objectifs principaux qui sont la destruction des camps d’entraînement terroristes et des infrastructures terroristes de l’Afghanistan, capturer les dirigeants d’Al-Qaïda et mettre un terme à toutes activités terroristes dans le pays. Cependant, après avoir repris le contrôle du pays, les Occidentaux accompagnés par l’ONU vont décider de sécuriser le territoire et en même temps vouloir importer la démocratie en Afghanistan, le tout sous le modèle occidental de l’Etat central, modèle qui comme vous l’avez compris jusqu’à présent est impossible en Afghanistan en raison des trop nombreuses diversités ethniques, de la corruption, du clientélisme, de la violence au sein de la société afghane. En effet, la société afghane ne fonctionne pas du tout comme la nôtre, le pays est composé de divers groupes de solidarité regroupés autour d’un chef (khan) et le pouvoir de ces chefs est légitimé par l’affrontement envers d’autres groupes rivaux, ce qui a pour effet inéluctable de faire en sorte que le groupe qui arrive au pouvoir va “manger tous les avantages” tandis que les autres vont être écartés et ignorés. Les Américains mettront Hamid Karzai en 2004, dans une nouvelle République, un Pachtoun allié des USA au pouvoir dans le cadre d’un gouvernement de transition, mais malgré les tentatives américaines d’implémenter la démocratie en Afghanistan, les résultats sont infructueux et le pays reste toujours autant divisé et exposé à la violence extérieure venant notamment des groupes terroristes du sud et de groupuscules djihadistes partisans d’Hekmatyar directement soutenus par l’ISI (le service de renseignement pakistanais), des guérillas, des attentats suicides, des assassinats aléatoires et ciblés, des prises d’otage et des enlèvements de hautes personnalités politiques se multiplient au fil du temps jusqu’à l’élection de Barack Obama en 2008. Notons également, que la population est une victime collatérale des affrontements et qu’un certains nombre d’entre eux ont perdu la vie sans n’avoir rien demandé surtout entre 2007 et 2008.

L’administration Obama va changer l’approche occidentale de l’Afghanistan, cette fois, on va considérer le pays entier et non plus seulement le sud. En même temps, on va prendre en considération le nord du Pakistan, la base arrière du terrorisme et le nid abyssal des problèmes en Afghanistan. C’est également à partir de ce moment que les occidentaux vont prendre conscience de la nécessité de devoir former et organiser les autorités afghanes de sorte à ce qu’elles puissent s’auto défendre face aux groupes terroristes et aux talibans mais cela ne fonctionnera pas vraiment et aux horizons de 2010-2014, après avoir éliminé Oussama Ben Laden et de nombreux cadres de la région, le retrait des troupes internationales commence à se généraliser et bon nombres de militaires quittent la zone de début 2010 à 2014, laissant ainsi les américains seuls face à la résurgence des talibans qui sortent de leur cachette grâce à l’aide de Pachtounes fondamentalistes du Pakistan et des groupes terroristes.

IV. Le retour des talibans au pouvoir (août- début septembre 2021)

Je pense que vous avez désormais compris l’histoire, les tenants et les aboutissants de l’Afghanistan dans les trois premières parties. Maintenant, nous verrons de manière plus actuelle, la situation du pays marqué par un retour des talibans au pouvoir en 2021.

A. Les enjeux du départ américain

Le départ des troupes américaines a été voulu par Donald Trump en 2018 car comme vous le savez, sa vision politique est celle du America First et pour lui, les Américains n’avaient plus rien à faire sur le territoire afghan surtout que le conflit commençait à s’éterniser. Ce retrait a été organisé en 2020 lors des Accords de Doha entre les deux parties. Les Américains se sont engagés à quitter le territoire Afghans pour au plus tard le 31 août 2021 sous plusieurs conditions. Les talibans se sont engagés à :
– ne pas attaquer les forces étrangères durant leur départ,
– respecter les droits et les libertés des afghans sur place (droits des femmes, etc)
– organiser un dialogue régulier avec les différents représentants du pays afin de se concerter et apprendre à travailler et diriger ensemble, en paix,
– lutter contre le terrorisme local et en même temps ne plus attaquer de pays occidentaux (à l’international)

Néanmoins, ce départ est vu par de nombreuses personnes comme un échec, et la population afghane a été très déçue des Américains et du discours de Joe Biden annonçant le retrait des troupes, alors qu’au même moment, la campagne des talibans se rapprochait de plus en plus de Kaboul. De plus, les Américains ne sont malheureusement pas venus en Afghanistan pour protéger les Afghans face aux talibans, leur unique intérêt dévoilé a été de se prémunir de toute autre nouveau 9/11, rien de plus. D’ailleurs, les talibans sont nocifs mais que pour les Afghans, effectivement, ils n’ont pas de filiale étrangère et eux-mêmes l’ont très bien dit, leur sujet c’est l’Afghanistan contrairement à d’autres groupes comme l’Etat islamique ou Al-Qaïda, qui ont des dimensions régionales voire internationale.

B. Les talibans peuvent-ils s’affirmer sur la durée ?

Selon moi, les talibans ne pourront pas s’affirmer sur la durée, car il y a beaucoup trop d’enjeux politiques et d’intérêts en cours sans la région. J’ai même davantage l’impression que l’arrivée des talibans au pouvoir, va permettre de desservir les intérêts étrangers et de renforcer la présence de certains pays dans l’ère géographique de l’Afghanistan, de l’Iran et du Pakistan.


Les talibans ont certes repris le contrôle de beaucoup de villes afghanes y compris la capitale, mais ils demeurent être un groupe hétérogène ayant pour unique point de ralliement le contrôle total de l’Afghanistan. Par ailleurs, le groupe connaît aussi une certaine rivalité avec le groupe Etat islamique et certains autres, ce qui témoigne encore une fois d’une unité fragile entre les talibans et leurs alliés. Néanmoins, que va-t-il se passer lorsque tout sera maîtrisé ? Le groupe, va-t-il imploser ? Y aura-t-il des scissions entre les talibans de la première heure plus radicaux et les nouveaux qui voudront peut-être accorder plus de droits et de libertés ? En attendant, les talibans sont un groupe qui n’est pas totalement uni et dont le retour au pouvoir va pouvoir être intéressant sur le plan de sa politique intérieure et sur celui de sa politique extérieure avec ses alliés.
Les talibans souhaitent désormais montrer une nouvelle image de leur groupe à l’international, ils autorisent les journalistes à filmer et montrer ce qui se passe sur le terrain, ils le font aussi en essayant de rencontrer les chefs d’Etat des pays voisins (Chine, Iran, Russie, Turquie) de sorte à nouer des relations diplomatiques et surtout empêcher toute autre ingérence pouvant remettre en cause leur autorité en Afghanistan. De l’autre côté, les puissances régionales profitent du recul américain pour pouvoir clamer leur domination dans la zone, en se rapprochant de l’Afghanistan de quoi renforcer le géant sino-soviétique.

C. Quelle issue pour l’avenir ?

L’avenir s’annonce flou et complexe. En effet, la communauté internationale craint que l’Afghanistan soit à l’avenir le refuge du terrorisme et qu’ils ne deviennent une solide base arrière pour des groupes comme Al-Qaida dont l’influence international avait baissé ces dernières années depuis l’élimination d’Oussama Ben Laden. Alors que les talibans s’étaient engagés à Doha pour lutter contre lui.
Les femmes qui avaient pu pendant une vingtaine d’années profiter de nouveaux droits et de libertés vont de nouveau se trouver restreintes. Elles ne pourront plus par exemple sortir seule, travailler et accéder à l’éducation, et elles devront porter la burqa. Que vont également devenir les hazaras, cette minorité ethnique persécutée en Afghanistan maintenant que les talibans sont au pouvoir ?

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que l’arrivée des talibans n’enchante ni la communauté internationale, ni les Afghans eux-mêmes, Biden a dit il y a quelques jours que c’était soit le départ des troupes ou soit le choix d’une escalade de la violence. La seconde aurait sûrement instauré un climat international, rappelant la Guerre froide et cela aurait eu une incidence irréversible sur la pérennité de notre monde.

L’Afghanistan, se rapproche de pays n’appréciant pas les Etats-Unis, ni l’Europe, mais est-ce la bonne solution ? Cette nouvelle ère, pourra t-elle pacifier un pays en proie à de nombreuses violences depuis presque un demi-siècle ou est-ce que cela représente une étape de plus dans la Guerre froide 2.0 opposant la Chine et la Russie à des Etats-Unis, anciennement gendarme du monde, qui retourne à ses travers wilsoniens.


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Sources :

Informations générales :

Liste de villes d’Afghanistan : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_villes_d%27Afghanistan
Pourcentage population rurale en Afghanistan : https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SP.RUR.TOTL.ZS?locations=AF
L’Afghanistan, un pays pauvre aux richesses convoitées : https://www.dw.com/fr/afghanistan-talibans-minerais-chine/a-58900323
Invasions of Afghanistan (anglais) : https://en.wikipedia.org/wiki/Invasions_of_Afghanistan
Islam en Afghanistan : https://fr.wikipedia.org/wiki/Islam_en_Afghanistan
Hazaras : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hazaras


Politique :

Liste des chefs d’Afghanistan : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_chefs_d%27État_d%27Afghanistan
Afghanistan : les femmes sont les grandes perdantes de cette évacuation “cruelle” (France 24) : https://www.youtube.com/watch?v=eZH6fYO26xk
Dumortier, B., Magrin, G., Mutin, G., Stadnicki, R., & Pourtier, R. (2017). Géopolitique de l’Afrique et du Moyen-Orient (Nouveaux continents) – 2017. NATHAN.

Cartes :

Peuples entremêlés de l’Asie centrale, Philippe Rekacewicz : https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/asiecentralepeuples200111


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